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Des oubliés et inconnus à redécouvrir

Plusieurs des compositeurs de notre corpus n’ont pas eu les honneurs des grands dictionnaires et encyclopédies de la musique, malgré leur indéniable talent. Cela s’explique souvent par l’absence ou la rareté des données biographiques au sens large, telles que les dates de naissance et de mort, ou de mentions dans la presse ou les ouvrages de l’époque témoignant de la notoriété du personnage… Certains de ces compositeurs, de plus, ne laissent qu’un petit nombre d’œuvres, soit qu’ils n’aient que peu écrit, soit que leurs compositions aient aujourd’hui disparu. Nous illustrerons cette problématique par quatre noms qui représentent des cas bien différents à l’intérieur de ce cadre général.

VENCESLAS JOSEPH SPOURNY
« Io Pourlesgue » [Burlesque], 1’17 min

Venceslas Joseph Spourny. « Io Pourlesgue » [Burlesque] extraite de la Sonata terza des Sei sonate a due violoncelli dedicate al Signore de Grouchi amatore di musica (ca 1742). Libor Mašek et Hana Fleková (violoncelles), Monika Knoblochová (clavecin), Jan Krejča (guitare baroque)


Spourny

Venceslas Joseph Spourny. Six sonates pour deux violoncelles, op. 4. Paris : Le Clerc, [1741 ?], page de titre. BnF, Bibliothèque de l’Arsenal, MUS-454 (© gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France)

Venceslas
Joseph
Spourny

En 1740, le violoncelliste et contrebassiste Venceslas Joseph Spourny, peu après s’être installé à Paris et être entré au service du prince de Carignan, obtient un privilège et fait paraître à partir de cette date une série d’œuvres instrumentales (au moins 23 opus jusqu’en 1765). Si les sonates op. 1 de Wenceslaus Wodiczka, violoniste à la cour de Munich, avaient été imprimées à Paris dès 1739, Spourny est le premier compositeur originaire de Bohême à faire publier ses compositions dans la capitale française tout en y résidant. Des sources archivistiques récemment découvertes viennent nourrir un peu sa biographie qui conserve cependant une bonne part de mystère.

Venceslas Joseph Spourny. Sonata I, extraite de VI sonates pour une musette ou vielle, violon et basse, op. 6 (ca 1741). Nadia Vásquez Martínez (musette), Luis Corral (violon), Patricia Rodríguez Rivero (basse de viole). Catedral de Santa María, Tui (Pontevedra), 4 août 2022.

Sebetovsky

Jan Šebetovský. Sonates à deux flûtes traversières sans basse, op. 1. Paris : l’auteur, 1762, page de titre. BnF, département de la Musique, VM7-6533.(© gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France)

Jan
Šebetovský

On ne peut affirmer, en revanche, que « Charl Johan Sebetovskÿ » [Jan Karel Ignác Šebetovský], tel qu’il signe son acte de mariage, ait jamais vécu à Paris. Né en 1720 à Kunštát en Moravie, il réside depuis 1749 ou avant à Saint-Malo, où il se marie en 1750. Il s’installe ensuite à Nantes, où sa femme meurt en 1778. On perd ensuite sa trace. Au moins quatre recueils de musique de chambre, dont trois ne sont connus que par des annonces, ont pourtant été publiés à Paris sous le nom de « Joannes Sebetoski ». Malgré ces quelques repères biographiques, le déroulement de sa carrière nous échappe encore totalement. 

François
Jean
Wondradschek

Nous n’avons pour l’heure réussi à trouver que peu d’informations sur François Jean Wondradschek (František Jan Vondráček), natif de Prague, qui fut un claveciniste et pianofortiste renommé. Aussi a-t-il consacré toutes ses œuvres connues à ces instruments. Quelques-unes de ses compositions sont conservées en manuscrit à Prague et quatre recueils ont pu être édités à Paris (où il a exercé en tant que maître de clavecin et de pianoforte jusqu’à sa mort en 1782) grâce au privilège qu’il obtint en 1758. Selon le bien informé Gottfried Johann Dlabacž, Marie-Antoinette elle-même s’intéressait à son enseignement. Cependant, les circonstances de l’arrivée de Wondradschek à Paris nous échappent encore pour le moment.

Vondracek
Vondracek

François Jean Wondradschek. Six sonates pour le clavecin avec accompagnement de violon, op. 1. Paris : l’auteur, 1758, page de titre et épître dédicatoire. BnF, département de la Musique, VM7-1944. (© gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France)

François-Jean Wondradschek. Sonate en sol majeur pour clavecin avec accompagnement de violon op. 1, n° 5. I. Adagio, II. Allegro assai, III. Menuet, IV. Presto assai. Daria Savvateeva (clavecin), Martin Dostál (violon). Brno, Salle de concerts, Janáček Academy of Music and Perfoming Arts, 20 septembre 2025.

Janíček
Enfin, « Janiscek » (Janíček) a jusqu’ici résisté avec succès à toutes les tentatives d’identification. La seule œuvre qui lui soit attribuée, un concerto pour violon copié en Autriche ou en Bohême, fait partie de ce qui semble avoir été une bibliothèque musicale privée probablement confisquée à la Révolution. Pourrait-il s’agir d’une œuvre de jeunesse du violoniste Anton Janitsch (1751 ou 1752-1812) ? Les œuvres de ce dernier étant presque toutes perdues, il est illusoire d’espérer le confirmer par comparaison stylistique.
Janicek
Janicek
Janisceck. Concerto en ut majeur pour violon, cordes, 2 trompettes et timbales. Parties séparées manuscrites, page de titre et début de la partie de violon solo. BnF, département de la Musique, MS-11927.  (© gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France)
Koželuh

Leopold Kozeluch. Concerto per cembalo a 4.o mani con violini, oboe, corni, viola e basso. Parties séparées manuscrites, page de titre de la partie de clavecin. BnF, département de la Musique, D-11003. (© gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France)

Leopold Kozeluch

Une œuvre jusqu’ici insoupçonnée d’un compositeur relativement connu, et justement originaire de Bohême, a également pu être découverte − un peu par hasard − et reconstituée à temps pour l'exposition. Les parties séparées de ce concerto en fa majeur pour clavier à quatre mains et orchestre de Leopold Kozeluch, qui ne figure pas au catalogue de ses œuvres par Milan Poštolka, avaient été dispersées au sein des collections de la BnF entre deux cotes et deux dossiers non cotés. L’ensemble est depuis février 2025 réuni sous la cote D-11003. La provenance du manuscrit, d’origine visiblement viennoise, n’a pas pu être établie.

Leopold Kozeluch. Concerto en sib majeur pour clavecin ou piano à 4 mains (P IV:8). Roberto Arioso et Alessandra Gelfini (piano), Camerata dei Castelli, dir. Andreas Laake. Teatro sociale Bellinzona, 22 mars 2015.

Trois instruments de musique
entre Paris et Prague

L’exposition est réalisée par

Bibliothèque de Moravie (Moravská zemská knihovna v Brně ‒ MZK) et la Bibliothèque nationale de France (BnF) 

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