Thomas Brodsky. Trois Sonates pour le clavecin ou le piano-forte avec accompagnement d’un premier et second violon et violoncelle, op. 2. Bruxelles : Van Ypen et Pris, 1776, page de titre. BnF, département de la Musique, VM7-5364.
(© gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France)
Le fait qu’un nom à consonance tchèque n’implique pas forcément une origine claire et démontrable est mis en évidence, entre autres, par une confusion entre les destins de trois musiciens, que nous pouvons trouver dans des dictionnaires musicaux anciens. Il s’agit de l’organiste Thomas Brodsky, qui exerça dans l’actuelle Belgique de 1760 à 1783 et dont on n’a pas réussi à retrouver la véritable origine, du violoniste tchèque Johann Brodeczky mentionné par Dlabacž et enfin du violoncelliste pragois Matěj Václav Brodecž. C’est le lexicographe belge François-Joseph Fétis qui a fusionné les vies et les œuvres de ces trois musiciens, inventant ainsi une nouvelle figure − fictive − de l’histoire de la musique : Jean-Théodore Brodeczky, violoniste et claveciniste originaire de Bohême, censé avoir exercé en Allemagne avant de finalement s’installer à Bruxelles. Après avoir démêlé les fils des vies de ces trois musiciens, nous avons pu identifier correctement Thomas Brodsky comme l’auteur d’un recueil imprimé de sonates pour clavecin avec accompagnement de deux violons et violoncelle, op. 2, distribué à Paris (voir le catalogue). Nous laissons aux générations suivantes la tâche de découvrir la véritable origine et la destinée de cet organiste d’Eupen. Nous pensons au moins que sa musique trouvera bientôt son public.
Josef
Kohaut
On n’a obtenu des informations sur l’activité parisienne d’un autre musicien au nom à sonorité tchèque, Joseph Kohaut [Josef Kohout] (1734-1777), qu’à partir des tirages parisiens de ses œuvres de chambre et de ses opéras-comiques et aussi à partir des critiques parues dans la presse. C’est à nouveau à cause de Fétis que ce luthiste né de parents tchèques à Vienne est devenu un trompette de l’armée autrichienne originaire de Bohême qui s’installa à Paris. Les encyclopédies musicales modernes ont incorporé cette biographie de Kohaut en partie inventée par Fétis et l’ont encore enrichie d’autres conclusions erronées, dont notamment sa naissance à Žatec [ville de Bohême du Nord-Ouest], qui excluait en même temps son lien de parenté, pourtant attesté dans les sources d’époque, avec un autre luthiste ayant longtemps exercé à Vienne, Karl Kohaut [Karel Kohout]. La véritable origine de Joseph Kohaut a pu être découverte grâce aux archives des notaires parisiens et aux registres paroissiaux de Vienne. Or nous avons connaissance de son destin de musicien avant son installation à Paris uniquement par des sources tout à fait exceptionnelles – il s’agit de lettres manuscrites de Joseph (voir le catalogue) qui documentent son engagement au service du prince lituanien Radziwiłł et notamment son voyage à travers l’Italie du Nord, où il rechercha un nouvel emploi avant de s’installer durablement à Paris en 1762 au plus tard.
Josef Kohaut. Trios n° 1-3 pour le clavecin, la harpe ou le luth avec accompagnement d’un violon et la basse. Trio n° 1 en do majeur : I. Allegro moderato, II. Menuet, Mineur, III. Presto. Trio n° 2 en si bémol majeur : I. Allegro moderato, II. Menuet, Mineur, III. Allegro. Trio n° 3 en mi majeur : I. Allegro, II. Musette (Lent), Mineur, III. Presto. Trio Unitas : Petra Matějová (forte-piano), Magdaléna Malá (violon), Helena Matyášová (violoncelle). Festival Baroko 2025, Olomouc, 4 juin 2025.
Lettre de Joseph Kohaut au prince Hieronim Florian Radziwiłł. Gênes, 5 janvier 1760. Warszawa, Archiwum glówne akt dáwnych, cote 1/354/0/5/6987, fol. 4-10. (© Archiwum glówne akt dáwnych, Warszawa)
Inventaire après décès de « Winceslas Schobert, musicien étranger de nation », 14 septembre 1767. Archives nationales, Paris, MC/ET∕LXXIII/895. (© Archives nationales, Paris)
Wenceslas Schobert. Quatuor en mi bémol majeur, op. 7 no 1. Le Concerto Rococo : Jean-Patrice Brosse (clavecin), Nicolas Mazzoleni et Roberto Crisafulli (violons), Emmanuel Balsa (violoncelle)
Josef Janoušek. Concerto Ex a# a Violino Principale, Violino Primo, Violino Secondo, Violetta con Basso. Parties séparées manuscrites. Page de titre et début de la partie de violon solo. BnF, département de la Musique, D-6464.
(© gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France)
Johann Stamitz. Concerto pour violon en ut majeur. Camerata Bern, dir. Thomas Füri.
(℗ 1980 Polydor International GmbH, Hamburg)
La Biographie universelle des musiciens et bibliographie générale de la musique de François-Joseph Fétis doit être utilisée avec beaucoup de méfiance, comme en témoignent les articles sur Joseph Kohaut et sur l’imaginaire Jean-Théodore Brodeczky.
Fétis resta d’une prudence inhabituelle à propos de Schobert, qui ne fut pourvu d’un prénom qu’en 1906, grâce aux spécialistes français de Mozart, Théodore de Wyzewa et Georges de Saint-Foix.
Partagez ce site !