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Les trois favoris des Parisiens

Joseph Haydn. Quatuor à cordes op. 1, no 1 (Hob. III:1). Kodály Quartet. (℗ 1991 HNH International Ltd)

Trois compositeurs autrichiens de la fin du xviiie siècle ont joui d’une faveur particulière auprès du public parisien, à en juger par le nombre des publications − peut-être dû également à leur fécondité. Ils appartiennent à deux générations différentes et illustrent les trois degrés possibles dans la relation des compositeurs d’Europe centrale avec la capitale française.

Haydn

Edmé Quenedey. Jph Haydn,  dessiné au physionotrace et gravé par Edmé Quenedey. Paris : l’auteur, 1805. Estampe à l’aquatinte. BnF, département de la Musique, Est. Haydn F. 039.
gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France) 

Joseph
Haydn


L’aîné, Joseph Haydn (1732-1809), n’est jamais venu à Paris. Les éditeurs parisiens sont pourtant les premiers à imprimer ses œuvres, auparavant diffusées uniquement sous forme de copies manuscrites : Louis-Balthazar de La Chevardière annonce en janvier 1764 la parution d’un recueil de six quatuors à cordes (voir le catalogue), suivi en avril de Jean-Baptiste Venier avec une symphonie (Hob. I:1) − autrement dit les deux genres musicaux dans lesquels l’apport de Haydn sera le plus déterminant pour l’histoire de la musique.  

Haydn

Joseph Haydn. Six simphonies ou quatuors dialogués pour deux violons, alto viola et basse obligés. Paris : La Chevardière, 1764, page de titre. BnF, département de la Musique, H-11 (A-D).
gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France)

Une longue série de symphonies de Haydn avait été publiée à Paris lorsqu’en 1784, le comte d’Ogny (1756-1790), directeur du Concert de la Loge Olympique, organisation privée de concerts liée à une loge maçonnique, lui en commanda six. Haydn en composa trois en 1785 et les trois autres en 1786 (Hob. I:82 à 87). L’édition publiée en 1788 par Imbault fut la seule à pouvoir se revendiquer comme « gravé[e] d’après les partitions originales appartenant à la Loge olympique », mais Haydn vendit les six symphonies à d’autres éditeurs, si bien qu’elles parurent aussi dès décembre 1787 chez Artaria à Vienne et en 1788 chez Sieber à Paris, ainsi qu’à Berlin et chez deux éditeurs londoniens concurrents !

Cela n’empêcha pas le comte d’Ogny de commander à Haydn une seconde série de six symphonies, mais seules les trois premières (Hob. I:90 à 92, 1788-1789) avaient vu le jour lorsqu’il mourut. Des neuf symphonies composées pour la Loge olympique, la BnF possède cinq des autographes, qui sont entrés dans les collections par des voies diverses.

Joseph Haydn. Sinfonia in G (Hob. I:92). Partition manuscrite autographe (1789), page de titre et début de la partition. BnF, département de la Musique, RES VMA MS-852. (© gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France)

Joseph Haydn. Sinfonia in G (Hob. I:92). Partition manuscrite autographe (1789), page de titre et début de la partition. BnF, département de la Musique, RES VMA MS-852. (© gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France)

Mozart

Jean-Baptiste Delafosse. Leopold Mozart, père de Marianne Mozart, virtuose âgée de onze ans et de J. G. Wolfgang Mozart, compositeur et maître de musique âgé de sept ans. Estampe d’après le dessin de Carmontelle, 1764. BnF, département de la Musique, RES VM EST-4 (1) (© gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France) 

Wolfgang
Amadeus
Mozart

C’est également en 1764, en mars et avril, que paraissent les sonates pour clavecin et violon ad libitum œuvres 1 (KV 6-7) et 2 (KV 8-9) de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), alors âgé de huit ans, dédiées respectivement à Madame Victoire (voir le catalogue), fille de Louis XV, et à la comtesse de Tessé, et gravées par Madame Vendôme. Le jeune compositeur séjourne à Paris du 18 novembre 1763 à la mi-avril 1764 dans le cadre d’une tournée de concerts organisée par son père Leopold et se produit entre autres devant la cour le 1er janvier. Dans Le Courrier du 20 mars, le publiciste François Morénas souligne que dans ses improvisations ce « vrai prodige […] associe les idées les plus précieuses à la science de l’harmonie la plus profonde » et qu’« en un mot la Nature l’a fait musicien comme elle fait des rossignols », expression que l’on retrouve dans l'épître dédicatoire des sonates œuvre 1. Plusieurs compositeurs font l’hommage de leurs œuvres au jeune virtuose. Parmi eux, le Bohémien Wenceslas Schobert, dont les deux publications de Mozart retiennent le groupement des sonates par deux et non par six et la formule « qui peuvent se jouer avec l’accompagnement de violon ».

Au retour, les Mozart repassent par Paris en mai et juin 1766. Auparavant, L’Avant-coureur du 31 mars 1766 a annoncé que les six sonates dédiées à la reine de Grande-Bretagne (KV 10-15, op. 3) publiées à Londres en janvier 1765, étaient en vente chez Toussaint Bordet en même temps que quelques exemplaires des op. 1 et 2 et que le portrait de Leopold Mozart avec ses deux enfants gravé en 1764 par Jean-Louis Delafosse d’après le dessin de Carmontelle.

Mozart

Wolfgang Amadeus Mozart. Concerto pour flûte, harpe et orchestre en ut majeur, KV 299. Copie manuscrite française [1778]. BnF, département de la Musique, VM7-4808. (© gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France) 

En dépit de cette notoriété précoce, aucune autre œuvre de Mozart n’a été publiée à Paris lorsqu’il y revient pour la troisième fois. Ce dernier séjour (23 mars au 26 septembre 1778) est marqué par la mort de sa mère, qui l’avait accompagné dans sa vaine quête d’un poste bien rétribué. Il y compose le concerto pour flûte et harpe qui ne lui fut apparemment pas payé (voir le catalogue), la symphonie KV 297, le ballet Les Petits riens, ainsi que d’autres œuvres aujourd’hui perdues. Il y achève aussi deux cycles de sonates (six pour violon et piano et trois pour piano seul) commencés à Mannheim, qui seront gravés à Paris après son départ (1779 et ca 1781). Mais hormis ces publications sporadiques, il faut attendre le milieu des années 1780 et surtout la dernière décennie du siècle pour que les éditeurs parisiens s’intéressent à Mozart de façon suivie.







Wolfgang Amadeus Mozart. Les Petits riens. L’Éventail, dir. Marie-Geneviève Massé, Opéra Royal de Versailles, 2006.

Pleyel

Ignaz Pleyel. Lithographie, BnF, département de la Musique, Est. Pleyel I. 005
gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France)

Ignaz
Pleyel


La première publication parisienne, vers 1784, d’une œuvre d’Ignaz Pleyel (1757-1831) coïncide probablement avec l’installation du compositeur à Strasbourg comme assistant du maître de chapelle de la cathédrale, le Bohémien Franz Xaver Richter (1709-1789), auquel il succédera à sa mort. Qu’il s’agisse d’un quatuor à cordes arrangé pour violon et guitare par Olivier Aubert et non d’une œuvre originale ne surprend pas outre mesure, tant l’abondante production de ce compositeur a fait l’objet d’adaptations, aussi bien par lui-même que par des tiers − une caractéristique qu’il partage avec Haydn et Mozart, quoiqu’à plus grande échelle que ces derniers.

Après un détour par Londres (1791-1792) et un retour à Strasbourg, Pleyel ne s’établit à Paris qu’en 1795 et pour le restant de ses jours. Loin de se cantonner à la composition, il édite ses propres œuvres et celles de ses confrères. En tant qu’éditeur, il innove en publiant de la musique instrumentale sous forme de partitions, probablement destinées à l’étude, notamment les symphonies et les quatuors de son maître Haydn. Mais il conserve la présentation en parties séparées à l’usage des exécutants pour ses « collections complètes » des œuvres avec piano de Haydn et Mozart ou des quatuors à cordes du premier. L’édition des quatuors, dédiée au Premier consul Bonaparte, est pourvue d’un catalogue thématique.

Enfin, en 1807, Pleyel ajoute à cette double activité celle de facteur de pianos, grâce à laquelle son nom reste de nos jours connu du grand public.

Ignaz Pleyel. Sinfonie concertante à violon et viola (1791). Concilium Musicum Wien, dir. Paul Angerer. (© 2002 Cavalli Records)

Pour aller plus loin :

La correspondance de la famille Mozart fait à présent l’objet d’une édition numérique avec fac-similés et transcriptions.

Jean Gribenski a établi la bibliographie des premières éditions françaises de Mozart. 

L’exposition consacrée à la réception de Mozart en France, organisée par la BnF et l’Opéra de Paris en 2017, a donné lieu à un important catalogue.

Rita Benton a recensé dans deux ouvrages fondamentaux la production de Pleyel comme compositeur et comme éditeur.

Des oubliés et inconnus
à redécouvrir

L’exposition est réalisée par

la Bibliothèque de Moravie et la Bibliothèque nationale de France

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© Bibliothèque de Moravie
© Bibliothèque nationale de France

Dernière mise  à jour le 23-10-2025